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UNE SEMAINE DE JUILLET 1830

tré, froid, guindé. Il me répondit : « Certainement ils ont bien raison ; vous savez combien je leur suis attaché, mais la situation est bien délicate… le Roi est à Rambouillet… Il s’y établit… Mes collègues pensent convenable d’aller rejoindre le souverain auprès duquel nous sommes accrédités… Cela est au moins fort spécieux, cependant nous n’avons pas été appelés… Cependant je ne sais que faire… Je ne sais que leur conseiller. »

Je ne me laissai pas trop effaroucher par ce changement, car je l’avais prévu ; mais je m’attendais, j’en conviens, à plus de façons dans le retour. Je répondis :

« Vous ferez, j’en suis bien sûre, ce qu’il y aura de plus sage et de plus utile. À propos, je voulais vous dire aussi que Sébastiani ne sera pas ministre. J’en ai la certitude. »

Il me regarda un instant fixement : « À eux, à la vie et à la mort, » s’écria-t-il ; et, me prenant les deux mains, il m’entraîna dans le petit salon à gauche : « Asseyons-nous. Ils veulent régner, n’est-ce pas ?

— Ils disent que non.

— Ils ont tort. Il n’y a que cela de raisonnable ; il n’y a que cela de possible. Ils le veulent au fond et, s’ils ne le veulent pas aujourd’hui, ils le voudront demain, parce que c’est une nécessité. Il nous faut donc agir dans ce sens. »

J’avoue que, tout en m’attendant à un retour, cette prompte péripétie m’avait suffoquée. Aussi en ai-je été tellement frappée que je suis sûre de n’avoir ni ôté ni ajouté une syllabe à ces premières paroles.

Il entra ensuite dans quelques détails sur la manière dont il s’y prendrait pour faire avorter la sotte pensée, venue à quelques-uns de ses collègues, de se rendre à