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UNE SEMAINE DE JUILLET 1830

du fauteuil : toutes deux étaient en larmes. Madame la duchesse d’Orléans me tendit la main et, m’attirant à elle, s’appuya sur moi et se mit à sangloter. La jeune princesse se leva et sortit ; je pris sa place.

Sa mère continua à se tenir serrée contre moi en répétant à travers ses pleurs : « Oh ! quelle catastrophe ! quelle catastrophe !… et nous aurions pu être à Eu ! »

Je parvins à la calmer un peu. Je lui parlai du vœu si généralement exprimé, du beau rôle que monsieur le duc d’Orléans avait à jouer, de la manière dont il était désiré par tout le monde (je le croyais et, de plus, cela était vrai, je dois le redire encore), du bon effet de la proclamation. Je la lui répétai.

Elle ne s’arrêta pas au titre, mais elle fut frappée de l’expression : La Charte sera une vérité. Elle l’approuva. Elle me parla de son mari, de la pureté de ses intentions avec l’adoration qu’elle lui porte. Je me hasardai à lui dire :

« Eh bien ! madame, la France serait-elle donc si malheureuse de se trouver entre de pareilles mains, si notre Guillaume iii s’appelait Philippe vii ?

— Dieu garde ! Dieu garde ! ma chère, ils l’appelleraient usurpateur, » et elle recommença à sangloter.

« Sans doute, madame, on l’appellerait ursurpateur, et on aurait raison, mais, si on l’appelait conspirateur, on aurait tort. Il n’y a que cela de répréhensible dans l’usurpation, et les contemporains même l’en disculperaient.

— Oh oui ! assurément, il n’a pas conspiré ! Qui le sait mieux que le Roi ? Avec quelle bonne foi, quelle conscience ne lui a-t-il pas toujours parlé ! Il n’y a pas encore un mois, à Rosny, ils ont eu ensemble une conversation de plus d’une heure et demie, et, en la terminant, il a dit