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UNE SEMAINE DE JUILLET 1830

Le petit nombre de pairs, réunis au Luxembourg, s’y seraient volontiers ralliés ; mais ils sentaient combien ils auraient peu d’influence dans ces circonstances. La république, dont personne ne voulait, devenait imminente si on ne prenait promptement un parti, et, sous un nom ou sous un autre, ce parti ne pouvait venir que de Neuilly.

On savait vaguement que des démarches avaient été faites de ce côté. Enfin, à près de minuit, monsieur de Fréville vint nous apprendre l’arrivée de monsieur le duc d’Orléans au Palais-Royal. Un gouvernement provisoire était décidé. Le prince en serait le chef ; les ministres étaient désignés et le général Sébastiani nommé ministre des affaires étrangères.

Je m’écriai combien c’était un choix fatal. Je connaissais l’aversion de Pozzo pour lui et l’intensité de ces haines corses. Il suffirait de ce nom pour le rendre aussi hostile à monsieur le duc d’Orléans qu’il lui était favorable jusqu’à présent. Son influence sur le corps diplomatique, dont il disposait en grande partie, préparait un obstacle énorme. Tout le monde le reconnut, en signalant l’importance d’en avertir au Palais-Royal. On m’engagea à en prévenir ; mais il était minuit et les nominations devaient, disait-on, être connues le lendemain matin !

Ici a commencé l’espèce de petit rôle politique que j’ai pu jouer dans ces grands événements. Il n’était ni prévu, ni préparé, et il n’a duré qu’un jour. Le parti carliste en a eu révélation et m’en a su plus mauvais gré qu’il n’était juste. J’y ai été entraînée, sans préméditation, par la force des choses, mais, peut-être ai-je, en effet, facilité, dans les premiers moments, l’établissement de la nouvelle royauté, pour laquelle l’ambassadeur de Russie s’est déclaré ouvertement. J’aurais