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UNE SEMAINE DE JUILLET 1830

troupe, sans pouvoir l’obtenir. Ce fut Glandevès qui fit apporter deux pièces de son vin pour désaltérer et alimenter un peu les soldats qui se trouvaient dans la cour du palais. Notez bien que ces pauvres soldats ne pouvaient rien se procurer par eux-mêmes, car pas une boutique n’aurait été ouverte pour eux.

Voici comment monsieur de Glandevès me raconta l’événement du matin. Après une tournée faite avec le maréchal aux postes environnant les Tuileries, pendant qu’ils attendaient bien anxieusement les réponses aux messages portées à Saint-Cloud par messieurs de Sémonville et d’Argout, ils rentrèrent à l’état-major.

Le maréchal lui dit : « Glandevès, faites-moi donner à manger ; je n’ai rien pris depuis hier, je n’en puis plus.

— Venez chez moi, tout y est prêt, ce sera plus vite fait. » Les ministres y avaient déjeuné avant leur départ pour Saint-Cloud. Le maréchal était monté chez lui. À peine assis à table, ils avaient entendu quelques coups de fusil du côté du Louvre, puis davantage. Monsieur de Glandevès s’était écrié :

« Maréchal, qu’est-ce que c’est que cela ?

— Oh ! de ce côté-là, cela ne peut pas inquiéter… Ah ! mon Dieu ! cette réponse n’arrivera donc pas ! »

Cependant, au bout d’une minute, le maréchal avait repris : « Cela augmente, il faut aller y voir. » Ils étaient redescendus à l’état-major ; le maréchal avait saisi son chapeau, et courut rejoindre ses chevaux placés devant les écuries du Roi. Pendant ce court trajet, monsieur de Glandevès lui avait dit :

« Maréchal, si vous vous en allez, vous me ferez donner un cheval de dragon ; je ne veux pas rester ici tout seul.

— Êtes-vous fou ? Il faut bien attendre ici la réponse de Saint-Cloud. »