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MÉMOIRES DE MADAME DE BOIGNE

Monsieur de Glandevès ayant répondu qu’il comprenait très bien le scrupule du maréchal, monsieur de Polignac reprit : « Cela n’est pas étonnant quand on vient de serrer la main à monsieur Casimir Périer !

— Oui, monsieur, je lui ai serré la main, je m’en fais honneur, et je serai le premier à le dire au Roi.

— Le premier, non, » répliqua monsieur de Polignac en s’éloignant pour aller raconter à un autre comment le refus du duc de Raguse était d’autant moins justifiable que, l’ordre d’arrêter ces messieurs étant donné d’avance, on devait reconnaître le doigt de Dieu dans leur présence aux Tuileries. Il les y avait amenés tout exprès pour subir leur sort ; mais il y avait de certains hommes qui ne voulaient pas reconnaître les voies de la Providence…

Ce discours se tenait à un séïde de la veille. Monsieur de Polignac ne savait pas qu’ils sont rarement ceux du lendemain, ou plutôt il ne croyait pas en être au lendemain. Cependant ses paroles furent répétées sur-le-champ avec indignation.

Monsieur de Glandevès me raconta aussi le désespoir de ce pauvre maréchal, et la façon dont il était entouré et dominé par les ministres qui ne lui laissaient aucune initiative, tout en n’ayant rien préparé. À chaque instant, il lui arrivait des officiers :

« Monsieur le maréchal, la troupe manque de pain.

— Monsieur le maréchal, il n’y a pas de marmite pour faire la soupe.

— Monsieur le maréchal, les munitions vont manquer.

— Monsieur le maréchal, les soldats périssent de soif, etc., etc. »

Pour remédier à ce dernier grief, le maréchal supplia qu’on donnât du vin des caves du Roi pour soutenir la