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UNE SEMAINE DE JUILLET 1830

En montant sur une terrasse, je parvins à découvrir un énorme drapeau tricolore arboré sur le sommet de l’église, non encore achevée, de la Madeleine ; il remplaçait le drapeau noir qui y flottait la veille.

Depuis, j’ai vu une planche sur laquelle était grossièrement écrit : « Vive Napoléon ii ». Elle y est restée plusieurs jours et en a été ôtée, comme elle y avait été placée, sans que cela fît aucune sensation.

Il pouvait être sept heures environ lorsque de nouveaux cris, mais poussés dans la rue, me rappelèrent à la fenêtre. Je vis un groupe nombreux occupé à abaisser les barricades devant un homme et son cheval, l’un et l’autre couverts de poussière, haletants de chaud et de fatigue.

« Où loge le général Lafayette ? criait-il.

— Ici, ici, répétaient cinquante voix.

— J’arrive de Rouen…, je devance mes camarades… Ils vont arriver… voilà la lettre pour le général.

— C’est ici, c’est ici. »

Il apprit à la porte de la maison que le général logeait à l’état-major de la garde nationale, mais qu’il le trouverait plus sûrement à l’Hôtel de Ville.

« À l’Hôtel de Ville ! », cria-t-on de toutes parts ; et ce courrier en veste, avec sa bruyante escorte, se remit en route traversant toute la ville et racontant sa mission à chaque barricade. Peut-être est-il arrivé plusieurs de ces courriers.

Je ne sais à qui il faut attribuer l’invention de cette jonglerie ; elle réussit parfaitement. Au bout de cinq minutes, tout le monde dans le faubourg Saint-Honoré avait la certitude que Rouen s’était insurgé, avait pendu son préfet, expulsé sa garnison et que sa garde nationale et sa population arrivaient immédiatement au secours des parisiens. Il semblait déjà voir les têtes de colonne. De