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UNE SEMAINE DE JUILLET 1830

à lui, et je vous conseille de vous en aller le plus vite que vous pourrez. » Profitant de cet avis, il était revenu sans chercher davantage à remplir sa commission ; il n’en savait pas plus long.

Nous ne tardâmes pas à apprendre la prise du Louvre, l’abandon des Tuileries, l’évacuation entière de Paris, après un moment d’arrêt à la barrière de l’Étoile, et la marche de toutes les troupes sur Saint-Cloud.

À peine cette nouvelle fut-elle répandue qu’elle fit sur la population l’effet le plus marqué. Il semblait un vase bouillonnant qu’on écarte du feu ; tout s’apaisa en un clin d’œil. J’ignore quelles passions s’agitaient dans l’âme de quelques factieux et s’exhalaient peut-être aux environs de l’Hôtel de Ville, mais le reste de la ville reprit une attitude très calme.

La seule autorité reconnue était celle des élèves de l’École polytechnique ; ils s’étaient distribué tous les postes. En outre de la bravoure qu’ils avaient montrée dans les combats de la veille et du matin, ils devaient leur importance à ce que seuls ils portaient un uniforme. Les défenseurs des barricades les appelaient : « Mon petit général », et leur obéissaient d’autant plus implicitement que le genre de leurs connaissances était aussi fort utile à la prompte construction de ces barricades. Ils aidaient à les faire et à les défendre.

Au surplus, c’est une circonstance assez remarquable que la considération accordée par le peuple, à cette époque, aux personnes qui semblaient appartenir aux classes plus élevées de la société. Tout homme ayant un habit, et voulant se mêler à un groupe, commandait sans difficulté les gens en veste.

Je me sers mal à propos du mot en vestes ; le costume adopté était un pantalon de toile et une chemise avec les