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MÉMOIRES DE MADAME DE BOIGNE

Un instant après, Arago arriva avec son fils. Il avait, me dit-il, fait de vains efforts pour parvenir jusqu’aux Tuileries, les hostilités ayant recommencé du côté du Louvre et du faubourg Saint-Germain. Au reste, il ne pensait pas avoir plus de succès auprès du maréchal que la veille. Il avait épuisé tous les arguments, mais il s’obstinait à ne voir que sa position militaire ; il lui avait dit :

« Mon ami, j’ai sacrifié une fois le soldat au citoyen ; cette fois, je veux sacrifier le citoyen au soldat. Cela ne me réussira peut-être pas mieux ; mais j’ai trop souffert de la première situation, tout en me rendant justice sur les motifs qui m’ont conduit, pour m’y exposer de nouveau. Voulez-vous qu’on puisse dire : On trouve toujours Marmont quand il s’agit de trahir ? »

Et il portait ses mains sur son front avec désespoir : « Suis-je assez malheureux de me trouver une seconde fois dans une position où les devoirs se combattent si cruellement ! »

Au reste, Arago me confirma le rapport de monsieur de La Rue sur l’obsession des gens dont le duc de Raguse était entouré, et sur la difficulté de l’entretenir un moment. Il me raconta l’absurde propos de monsieur de Polignac et l’air niais avec lequel il avait répondu : « Eh bien ! on tirerait aussi sur la troupe si elle se réunissait au peuple. »

De mon côté, je lui rapportai le message du maréchal, et je lui appris qu’il n’avait obtenu aucune réponse de Saint-Cloud à la démarche faite la veille par les commissaires.

« Si le maréchal, reprit Arago, n’a pas de nouvelles de Saint-Cloud, je suis moi, en revanche, plus avancé que lui. Monsieur le Dauphin m’a expédié un courrier porteur d’un billet de sa main.