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UNE SEMAINE DE JUILLET 1830

après le tocsin cessa, et un silence des plus solennels s’établit partout. Il était si imposant que je me surpris, moi-même, parlant à voix basse à un de mes gens qui, de son propre mouvement, s’offrit à aller à la découverte. Deux autres, poussés d’une ardeur belliqueuse, étaient allés à la bataille ; ceux-là n’étaient pas rentrés. Le dernier émissaire, actif et intelligent, revint me dire avant minuit, que, soldats et peuple, tout se reposait mais restait sous les armes.

La crise n’était rien moins que finie. On recommencerait à se battre plus vivement le lendemain matin si toutefois les troupes restaient fidèles, car on lui avait assuré que deux régiments avaient déjà passé du côté du peuple.

Quoique peu tranquillisée par ce rapport, je me décidai à me jeter quelques heures sur mon lit sans espérer y trouver beaucoup de repos.


(29 juillet.)

Le jeudi 29, à six heures, le calme durait encore ; mon maître d’hôtel, sorti à quatre, avait couru la ville. Il n’avait vu aucune troupe, mais beaucoup de barricades gardées par des gens armés ayant passé la nuit. Elles servaient de centre de réunion à ceux qui venaient les rejoindre.

Partout on obéissait aux élèves de l’École polytechnique : ils portaient seuls un uniforme et s’étaient emparés de l’autorité. Il en avait vu un arrivant à la place de la Bourse, monté debout sur le devant d’une charrette à deux chevaux, son épée à la main, l’agitant devant lui en répétant constamment : « Éloignez-vous, c’est de la poudre ; éloignez-vous, il y a du danger. »