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MÉMOIRES DE MADAME DE BOIGNE

rable résignation, ce chagrin intime fit en elle un ravage si profond que son changement, lorsque je la vis le surlendemain, était effrayant.

Les détails qu’elle recueillit bientôt sur les derniers moments de sa sainte fille, ainsi qu’elle l’appelle, devinrent un grand adoucissement à sa douleur et en changèrent l’amertume en une sorte d’admiration passionnée. Elle invoque sa fille, en même temps qu’elle la pleure.

La solennité de Noël avait servi de prétexte, ou de motif, à la duchesse de Wurtemberg pour chercher les consolations de la religion. Le vicaire apostolique de Pise, appelé auprès d’elle, avait été aussi touché qu’édifié des dispositions où il avait trouvé cette sainte princesse, ainsi que s’exprimait la lettre d’un légitimiste, en me mandant cette circonstance.

Un nouveau traitement, suite d’une consultation demandée par monsieur le duc de Nemours, avait amené un léger soulagement ; mais les accidents reparurent, et, le 30 décembre, elle eut une faiblesse très prolongée.

Le lendemain matin, se trouvant seule avec son frère, elle lui dit :

« Nemours, tu me connais assez pour savoir que je puis supporter la vérité, mais que je la veux ; dis-moi, suis-je très mal ?

— Très mal, non ; mais, depuis hier soir, les médecins sont inquiets.

— Merci, mon frère ; je te comprends. »

Voyant alors rentrer le duc Alexandre, qui s’était éloigné un moment, elle mit son doigt sur sa bouche, en faisant chut, et ne parut pas autrement troublée. Seulement, on s’aperçut qu’elle devenait plus caressante pour son frère et son mari ; mais, depuis ce moment, elle ne demanda plus son petit enfant.