Page:Mémoires de la comtesse de Boigne Tome IV 1922.djvu/301

Cette page a été validée par deux contributeurs.
296
MÉMOIRES DE MADAME DE BOIGNE

ne se trouvait que bien rarement dans aucune espèce de relations.

« Vous ne me comprenez pas, ma chère ; vous parlez d’amour, et moi du lien conjugal. C’est bien différent ! Un époux n’a qu’une épouse ; une épouse n’a qu’un époux. C’est l’ordre de Dieu et, de cette union, viennent tous les biens, tous les bonheurs et tous les devoirs pour lesquels nous sommes créés. »

Les soins de la Reine avaient constamment tendu à préparer ses filles à devenir bonnes mères et bonnes femmes. Ils avaient germé dans le sein de la princesse Marie au delà de ce qu’elle-même aurait souhaité, car le retard de son mariage la rendait très malheureuse. Sa santé s’en ressentait ; son changement et sa tristesse augmentaient.

La Reine se tourmentait ; et, pour apporter quelque distraction à cet état, madame Adélaïde mena la princesse à Bruxelles où elle la laissa. Elle ne revint à Paris qu’avec la reine des Belges, pour assister au mariage de monsieur le duc d’Orléans.

Sa profonde mélancolie fut visible à tous les yeux pendant les fêtes données à cette occasion. Il s’y joignit l’irritation d’apprendre, à Fontainebleau même, la nouvelle du mariage du prince Léopold de Naples avec mademoiselle de Carignan (fille d’un Carignan, non reconnu par les rois de Sardaigne, et de mademoiselle de La Vauguyon) ; c’était combler l’injure pour la maison d’Orléans.

La Reine et la princesse Marie, qui pensaient peut-être avec raison avoir trop montré leur désir de cette alliance, en furent également froissées ; mais la princesse, plus jeune et moins résignée, y apporta plus d’irritation. Sa sauvagerie en augmenta, et son humeur aussi bien que sa santé s’altérèrent sensiblement.