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MÉMOIRES DE MADAME DE BOIGNE

aurait mieux aimé qu’elle fût plus terre à terre dans le salon, et je l’ai souvent vue souffrir de ses réticences peu obligeantes.

Ce qui m’a fait naître l’idée des instincts princiers que la princesse Marie possédait sans s’en douter, c’est qu’elle n’était jamais si heureuse que pendant les visites prolongées qu’elle faisait à la reine des Belges que les habitudes allemandes de son mari ont entourée de la plus étroite et minutieuse étiquette.

Madame Adélaïde m’a souvent dit qu’elle en périssait d’ennui au bout de quatre jours ; et sa nièce, bien plus jeune, plus active, plus sujette au dégoût de toutes choses, y prolongeait son séjour pendant des semaines avec une vive satisfaction et nous revenait sensiblement moins attristée qu’elle n’était partie. À la vérité, cela se peut expliquer par la tendre affection qui liait les deux sœurs.

Si je n’ai point du tout parlé de la princesse Clémentine jusqu’à présent, c’est que, tant qu’a duré son éducation, c’est-à-dire jusqu’en 1836, sa gouvernante madame Angelet, femme d’un rare mérite, qui ne se faisait point d’illusion sur la princesse Marie et voyait au moins ses inconvénients, craignant l’influence qu’elle pouvait exercer sur une jeune imagination, tenait sa sœur très éloignée d’elle.

J’ai lieu de croire que la Reine partageait la pensée qu’il y avait avantage à affermir la raison de Clémentine, avant de la livrer à la séduction de l’esprit de Marie. En tout cas, le succès a justifié la prévision. La princesse Clémentine est véritablement de tout point une princesse accomplie. Elle ne dédaigne pas son état, et je ne l’en estime que mieux.

Pendant l’hiver de 1834, monsieur le duc d’Orléans donna des bals à ses sœurs dans ses appartements. On y