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MÉMOIRES DE MADAME DE BOIGNE

entrer dans les faiblesses de son âme qu’à l’aider à les corriger.

Cependant, elle assista utilement la Reine dans l’entreprise de mieux régler les sentiments religieux de la princesse. Le mysticisme disparut peu à peu, et, quoique sa piété conservât quelque chose de plus exalté que celle de sa mère et de ses sœurs, cependant elle avait perdu le caractère d’illuminisme auquel elle était près d’atteindre.

Privée de l’expansion que ses sentiments trouvaient auprès de sa sœur Louise, ils refluèrent sur elle-même, et c’est dès cette époque que je commencerai à placer les ravages que le moral a faits chez elle, aux dépens de la vie, non pas dans un progrès constant, mais par des crises de souffrances intérieures qui ne trouvaient plus où s’épancher.

Elle rêvait un sentiment exclusif et se plaignait de n’en point inspirer. Lorsqu’on lui représentait tous ces liens de famille dont elle était entourée, elle répondait que ses parents l’aimaient pour son huitième d’enfant, que ses frères et sœurs avaient sept frères et sœurs sur qui répandre leur amour. « Louise, seule, ajoutait-elle, s’identifiait à moi et maintenant elle a un mari et des enfants qui, bien naturellement, absorbent ses affections. »

La mort de madame Mallet mit le comble à l’amertume de ses pensées. Elle expira entre les bras de la jeune princesse qui l’avait soignée comme une fille, comme une garde, comme une sainte, ne la quittant ni jour, ni nuit, lui rendant tous les soins matériels et l’exhortant comme un pasteur des âmes.

Après avoir elle-même rabaissé pour toujours les paupières de sa vieille amie, elle se jeta dans les bras d’Olivia de Chabot qui l’avait assistée dans ses pieuses assiduités et partageait sa profonde affliction.