Page:Mémoires de la comtesse de Boigne Tome IV 1922.djvu/29

Cette page a été validée par deux contributeurs.
24
MÉMOIRES DE MADAME DE BOIGNE

cartouches ; tout le monde en acceptait, tout le monde les cachait. Il semblait n’y avoir qu’une pensée, qu’une volonté, qu’une action dans toute cette grande ville.

Déjà il était évident que Fabvier avait eu raison. Des chefs intelligents conduisaient les masses populaires.

Voici la tactique suivie ; elle a été trop générale pour n’être pas combinée.

Un groupe fort nombreux se formait devant les colonnes de la garde ou de la ligne : ceux qui se trouvaient avoir des armes parmi eux se mettaient en tête et tiraient sur la troupe. Celle-ci ripostait : si quelques-uns des gens armés étaient mis hors de combat, il s’en trouvait d’autres tout prêts à s’emparer de leurs fusils et de leurs munitions.

Après quelques coups échangés, une partie du groupe courait se placer en avant. Les autres se précipitaient dans les portes cochères qui s’ouvraient toutes pour eux, montaient aux fenêtres, tiraient sur la colonne pendant qu’elle passait, puis redescendaient dans la rue et établissaient une barricade derrière elle, y laissaient un petit nombre de gardiens ou la confiaient aux habitants des environs et allaient par les rues latérales rejoindre en courant le groupe primitif qui s’augmentait de plus en plus, et recommençaient cent pas plus loin à arrêter la colonne en renouvelant la même manœuvre ; si bien que les troupes, qui avaient tant de peine à avancer, se trouvaient dans l’impossibilité de rétrograder. Elles n’ont pu regagner l’état-major qu’au milieu de la nuit et en faisant de longs détours.

Vers le milieu de la journée, les munitions étaient devenues communes ; on s’était emparé par ruse d’un magasin à poudre, gardé seulement par deux vétérans. Des charrettes la transportaient dans les rues et très