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MORT DE MONSIEUR DE TALLEYRAND

n’y avait aucun affaiblissement moral dans ses facultés au moment où il avait tracé la déclaration et qu’elle était l’œuvre de sa propre volonté. Monsieur de Talleyrand a posé devant le public jusqu’à son dernier soupir.

La petite Marie de Talleyrand, fille du baron, devait faire sa première communion le jour même de cette signature. Le malade y pensa et demanda qu’elle lui fût amenée. Elle se mit à genoux devant lui en sanglotant.

« Je vous bénis, ma petite, lui dit-il en posant ses mains sur sa tête, et vous souhaite toute sorte de prospérité… J’y participerai… si cela est donné… »

Qui oserait affirmer qu’à ce moment suprême le sceptique ne fût pas un instant le croyant ? Puis, il demanda à son valet de chambre une montre et une chaîne qu’il avait fait préparer pour donner à Marie en cette occasion.

L’abbé Dupanloup lui ayant dit, assez sottement, que l’archevêque donnerait sa vie pour alléger ses souffrances, monsieur de Talleyrand répondit, avec ce ton persifleur qu’il savait si bien prendre : « Il a mieux à faire de sa vie. »

Vers huit heures, on lui annonça la visite du Roi. Il s’occupa aussitôt de faire arranger sa chambre suivant les usages commandés par l’étiquette et que lui seul savait, donna des instructions minutieuses à ses gens, à son neveu, à madame de Dino, sur la manière dont le Roi devait être reçu, mené chez lui et reconduit.

Je ne sais si ces soins l’épuisèrent, mais madame Adélaïde, qui accompagna son frère, m’a dit qu’elle fut frappée de l’horrible changement survenu pendant la nuit. Il paraissait suffoqué et accablé, et put à peine articuler quelques paroles en réponse au Roi.

Cependant, au moment où celui-ci se retirait, après