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MÉMOIRES DE MADAME DE BOIGNE

Pauline était venue à neuf heures réclamer sa promesse de signer : « Je signerai à quatre heures demain matin, avait-il répondu avec impatience ; va te reposer jusque-là. »

À onze heures cependant, elle reparut dans sa chambre. « Est-ce qu’il est quatre heures ? » demanda-t-il. On lui dit qu’il n’en était que onze.

« Va-t’en, Pauline ; sois tranquille ; je n’ai jamais rien su faire vite et pourtant je suis toujours arrivé à temps. »

En effet, quatre heures sonnant, il fit appeler madame de Dino. Elle avait pris la précaution de réunir messieurs Molé, de Sainte-Aulaire et de Barante pour certifier de sa volonté, dans le cas où il serait hors d’état d’écrire ; mais ces messieurs ne furent pas appelés, et il signa d’une main ferme : Charles Maurice, prince de Talleyrand, en présence de l’abbé Dupanloup, de ses gens et de son médecin Cruveilhier dont je tiens ces détails.

Avant de signer, il avait demandé lecture de la pièce. Il n’y trouva pas certaines expressions qu’il se souvenait d’avoir écrites ; on lui rappela qu’elles étaient dans la lettre au Pape. « C’est vrai, il faut aussi que je la signe. »

Puis, il voulut que la déclaration portât la date de la minute, toute de sa main, remise à l’abbé Dupanloup ; celui-ci ne se la rappelait pas exactement.

« C’est bien facile à retrouver, reprit le prince, prenez, sur le second rayon de la bibliothèque, des exemplaires de mon éloge de monsieur de Reinhard ; il a été prononcé le même jour. »

Ceci prouvait évidemment que cette représentation académique, très en dehors des habitudes de monsieur de Talleyrand, avait eu pour but de manifester qu’il