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MORT DE MONSIEUR DE TALLEYRAND

Talleyrand envoya de Valençay une lettre, dont il exigea l’impression au Moniteur, et qui sembla une sorte d’abdication politique dont, comme d’autres potentats démissionnaires, il ne tarda guère à se repentir.

Le salon de la rue Saint-Florentin devint un foyer d’intrigues contre le duc de Broglie. Monsieur de Talleyrand chercha à le discréditer dans l’esprit du Roi, ce qui n’était pas difficile, car il n’en était pas aimé. Il envenima les torts de forme qu’il pouvait avoir vis-à-vis des ambassadeurs étrangers, enregistra leurs plaintes et les excita les uns par les autres.

Pendant ce temps, madame de Dino et lui chapitraient Thiers et cherchaient à lui persuader qu’avec sa haute supériorité il devait primer tout le monde et occuper le rang de premier ministre. Je l’ai dix fois entendu s’en rire dans les premiers temps, attribuant ces discours à la haine qu’on portait à monsieur de Broglie ; mais il ne tarda pas à s’en laisser agréablement chatouiller les oreilles et le cœur.

Pendant ce temps, madame de Dino et la princesse Liéven (qui était entrée dans cette intrigue pour tuer le temps et ne pas se laisser rouiller la main) prônaient Thiers parmi le corps diplomatique et dans les nombreuses correspondances que toutes deux entretenaient dans les Cours étrangères.

Elles obtinrent des réponses que monsieur de Talleyrand apportait au Roi, en lui assurant que la confiance de l’Europe suivrait l’élévation de monsieur Thiers, parce qu’elle ne verrait en lui qu’une griffe apposée aux ordres émanés de la sagesse royale, et je crains qu’il ne soit un peu trop accessible à ce genre de flatterie.

Monsieur de Talleyrand, de son côté, se berçait de l’idée qu’il serait seul à gouverner : Thiers lui paraissait