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MÉMOIRES DE MADAME DE BOIGNE

qu’on appelle la conversation, l’échange des idées sans un but intéressé et direct, ne l’amuse pas. Elle devrait pourtant y obtenir des succès ; monsieur de Talleyrand lui en donnait l’exemple.

Quoi qu’il en soit, le prince demanda un congé, et, après un court séjour à Paris, se rendit à Valençay, où il réunit beaucoup de monde, avec l’intention manifeste de montrer qu’il n’avait rien perdu de la force et de l’agrément de son esprit.

La retraite du duc de Broglie et la nomination de l’amiral de Rigny au ministère des affaires étrangères inspira au prince de Talleyrand le désir d’être envoyé à Vienne. Il caressait l’idée de reprendre ce traité de triple alliance de la France, l’Angleterre et l’Autriche, préparé en 1815 et dont la révélation lui avait coûté les bonnes grâces de l’empereur Alexandre.

J’ai lu, écrit de sa main : « J’ai donné Londres au trône de Juillet ; je veux lui donner Vienne et j’y réussirai, si on me laisse faire. »

Madame de Dino, dont les relations en Allemagne ne pouvaient que lui être agréables, entra dans cette pensée avec d’autant plus de zèle qu’elle et monsieur de Talleyrand rêvaient à cette époque le mariage de Pauline de Périgord avec le prince Esterhazy, et cette alliance lui tenait au moins autant au cœur que celle de l’Autriche avec notre cabinet.

Mais monsieur de Talleyrand était un ambassadeur trop incommode pour qu’aucun ministre voulût le nommer. Monsieur de Rigny recula tout doucement et il ne lui fallut pas gagner beaucoup de temps pour se trouver remplacé par le duc de Broglie.

Celui-ci acquit de nouveaux droits à l’inimitié de la duchesse de Dino en refusant de faire avancer monsieur de Bacourt, avec une faveur trop criante, et monsieur de