Page:Mémoires de la comtesse de Boigne Tome IV 1922.djvu/270

Cette page a été validée par deux contributeurs.
265
MORT DE MONSIEUR DE TALLEYRAND

L’humeur que monsieur de Talleyrand avait rapportée de chez lord Palmerston fut soigneusement entretenue par elle. Plusieurs circonstances militaient à lui faire désirer de quitter Londres. Je me plais à citer d’abord la plus honorable.

Elle craignait que l’irritation que monsieur de Talleyrand rencontrerait dorénavant dans les affaires, jointe à l’affaiblissement inévitable des facultés à son âge, ne le fît se fourvover et s’amoindrir.

Le climat de l’Angleterre était déclaré pernicieux à une personne dont la société lui était agréable et chère.

Elle s’était jetée dans des relations ultra-tories, et malgré ses prévisions, le ministère whig restait au pouvoir, circonstance, pour le dire en passant, qui expliquait la désobligeance de lord Palmerston.

Elle ne se trouvait pas assez riche pour fixer son avenir en Angleterre, et il lui convenait d’utiliser les dernières années de monsieur de Talleyrand à se fonder en France une situation indépendante, mais sur laquelle pût rejaillir une partie du lustre de la grande existence européenne de monsieur de Talleyrand. Peut-être aussi, commençait-elle à s’ennuyer à Londres. Cependant, je ne le crois pas. L’état d’ambassadrice lui convient parfaitement. Avec prodigieusement d’esprit, on pourrait aller jusqu’à dire de talent si cette expression s’appliquait à une femme, madame de Dino s’accommode merveilleusement de la vie de représentation.

Lorsque, après avoir mis beaucoup de diamants, elle s’est assise, une ou deux heures, sur une première banquette, dans un lieu brillant de bougies, avec quelques altesses au même rang, elle trouve sa soirée très bien employée.

À la vérité, je crois qu’elle pousse le goût des affaires jusqu’à l’intrigue dans le reste de la journée ; mais ce