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MÉMOIRES DE MADAME DE BOIGNE

répandait en invectives contre le Roi, les ministres, la famille royale et tous leurs adhérents, et que j’attendais avec impatience un instant de répit pour m’esquiver, un cabriolet passe où était monsieur de Mesnard, qui nous salue. Madame de Colbert, changeant tout à coup de texte, s’écrie : « Ah ! l’infâme, ah ! le scélérat, je voudrais l’étrangler de mes propres mains, le misérable ! » et se retournant vivement à moi… « C’est lui qui l’a fait, ce malheureux enfant ! »

« — Je vois que vous y croyez et que vous en savez plus que moi, ma chère. »

« Madame de Colbert, un peu décontenancée, m’a souhaité le bonjour, nous nous sommes séparées à votre porte et voilà, dit madame de Châtenay en achevant son récit, ce qui me faisait rire. »

Madame de Colbert ne manquait pas d’esprit ; mais elle était fort passionnée et représentait assez exactement les extravagances de son parti.

J’ignore de quelle façon madame la duchesse de Berry fut informée du nom de son prétendu mari. Elle avait certainement des moyens de correspondance occultes.

Aussi, le 10 mai 1833, monsieur Deneux fit par son ordre, en sa présence, et devant des témoins officiels, la présentation d’un enfant du sexe féminin, né en légitime mariage de Marie-Caroline, duchesse de Berry, et de Hector, comte de Lucchesi-Palli des princes de Campoforte.

Ce fut la première révélation donnée de ce nom. La princesse en avait gardé le secret et ses entours, aussi bien que ses plus dévoués partisans, l’apprirent avec le public. On alla aux informations, et bientôt le rire simultané de toute l’Europe accueillit la paternité postiche d’un homme qui n’avait pas quitté la Haye depuis deux ans.