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MÉMOIRES DE MADAME DE BOIGNE

naire peu de temps après la naissance de madame la duchesse de Berry. Il observa combien les fatigues d’une vie aventureuse, qui avait dû exposer la princesse aux intempéries des saisons, étaient propres à développer le germe de cette maladie héréditaire. Il insista sur le fatal effet que produirait sa mort dans les murs de Blaye. Les contemporains établiraient et la postérité croirait que sa vie y aurait été sacrifiée.

Cette note donna lieu à une discussion en conseil, à la suite de laquelle deux médecins de Paris, les docteurs Orfila et Auvity, furent expédiés à Blaye.

Leur rapport officiel, inséré au Moniteur, se trouva satisfaisant sur l’état de la poitrine et les conditions sanitaires du séjour de la citadelle. Leurs propos confidentiels exprimèrent la pensée d’une grossesse assez avancée. Toutefois, la princesse avait éludé les observations qui l’auraient tout à fait constatée.

C’est le premier soupçon que le gouvernement en ait eu ; car on a vu que ceux conçus par monsieur Thiers, avant l’arrestation de madame la duchesse de Berry, s’étaient entièrement dissipés ; et, au fond, cette grossesse était si peu avancée au mois d’octobre que les confidents les plus intimes en pouvaient seuls être instruits.

Le docteur Guitrac, de Bordeaux, avait été appelé auprès de la princesse par le colonel Chousserie. On lui savait les opinions carlistes les plus exaltées. Il était, selon toutes les probabilités, dans leur confidence et aurait prêté assistance au moment opportun.

Le triste secret, renfermé jusque-là dans les murs de Blaye, ne tarda pas longtemps à être divulgué. Je ne sais d’où vinrent les indiscrétions ; mais les petits journaux commencèrent une série de plaisanteries dont les partisans de la princesse se tinrent pour justement offensés.