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MÉMOIRES DE MADAME DE BOIGNE

attester des bons procédés employés à son égard, je parvins à enlever son consentement, à la condition d’en garder le secret et même de communiquer un refus.

Quelques jours après, il m’écrivit de lui envoyer madame Hansler, sans lui laisser le temps de parler à personne. Un de mes gens l’alla chercher et la conduisit chez le ministre où il la laissa. Monsieur Thiers lui annonça que, si elle voulait aller à Blaye, il fallait partir sur-le-champ.

Après quelques hésitations et de nombreuses objections, elle se soumit. On la fit monter dans une calèche toute attelée de chevaux de poste, et elle se mit en route sous l’escorte d’un agent de police. Elle obtint, par concession, de passer chez elle pour y prendre des effets à son usage, soumis à l’inspection de son camarade de voyage.

Je ne m’attendais pas à un si brusque enlèvement, quoique monsieur Thiers m’eût énoncé la volonté de l’isoler des conseils de la coterie qui l’expédiait. Celle-ci, en effet, comptait bien endoctriner madame Hansler et avait réservé les avis les plus importants pour le dernier moment ; elle se trouva fort désappointée de ce départ improvisé et m’en sut très mauvais gré comme si c’était ma faute.

Les services que j’avais été à même de rendre dans ces circonstances me valurent, comme de coutume, un redoublement d’hostilité du parti henriquinquiste. Je fus tympanisée dans ses journaux, et on répandit la belle nouvelle que j’allais épouser monsieur Thiers. J’étais fort au-dessus de m’occuper de ces sottises, et on ne réussit même pas à m’impatienter.

Tous les partis sont ingrats, et surtout celui-là qui s’intitule par excellence le parti des honnêtes gens. Au demeurant, le but où je tendais a été atteint. Car, à