Page:Mémoires de la comtesse de Boigne Tome IV 1922.djvu/184

Cette page a été validée par deux contributeurs.
179
EXPÉDITION DE LA DUCHESSE DE BERRY
 Les corrections sont expliquées en page de discussion

J’avais encore dans l’oreille les expressions de mangeuse de reliques d’Édimbourg et de danseuse de corde d’Italie que, si récemment, je lui avais entendu appliquer à ces deux princesses, et je fus étrangement frappée de ce spectacle.

Cependant, monsieur de Chateaubriand était sincère en ce moment aussi bien que dans l’autre ; mais il possède cette mobilité d’impression dont il est convenu en ce siècle que se fabrique le génie. Éminemment artiste, il s’enflammait de son œuvre, et c’était à l’agencement de ses propres paroles qu’il offrait l’hommage de ses pleurs.

Ce n’est point comme un blâme que je cite ce contraste, mais parce que j’en ai conservé une vive impression et que les hommes de la distinction incontestable de monsieur de Chateaubriand méritent d’être observés avec plus d’attention que le vulgaire.

Il avait réclamé ma visite pour me charger de demander son admission au château de Blaye. En qualité de conseil de madame la duchesse de Berry, il voulait conférer avec l’accusée. Cela était de droit, selon lui, ainsi que la libre correspondance avec les personnes chargées des affaires de ses enfants dont elle était tutrice.

Sans partager son opinion, je me chargeai du message. La réponse fut négative. Comme conseil judiciaire, sa présence à Blaye était inutile, puisque aucune procédure ne devait être dirigée contre la princesse, et le gouvernement n’était pas assez niais pour le lui envoyer comme conseil politique.

Il ne pouvait non plus, par les mêmes raisons, autoriser la correspondance libre et fréquente demandée par monsieur de Chateaubriand, mais les lettres ouvertes soit d’affaires, soit de famille, seraient religieusement remises entre ses mains.