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UNE SEMAINE DE JUILLET 1830

Il nous fallait bien admettre l’impossibilité que son nom ne fut pas mis en avant, dans de pareilles conjonctures, même à son insu et malgré lui. Vingt fois depuis un an j’avais entendu dire, en parlant du Roi et de ses ministres, « Ils travaillent à faire le lit des Orléans. »

Elle me raconta à ce sujet ce qui s’était passé le mercredi précédent. Monsieur le duc d’Orléans, étant fort enrhumé et se plaçant sur le perron à la sortie d’un grand dîner, avait mis son chapeau. Il en avait fait une façon d’excuse. Monsieur de Sémonville avait répondu tout haut :

« Nous vous le passons, Monseigneur, en attendant la couronne.

« — Jamais, monsieur de Sémonville, à moins qu’elle ne m’arrive de droit.

« — Ce sera de droit, Monseigneur ; elle sera par terre ; la France la ramassera et vous forcera à la porter. »

« Concevez-vous monsieur de Sémonville ? ajouta madame de Montjoie, de tenir de pareils propos, Je les ai entendus ; dix personnes ont pu les entendre comme moi.

— Je comprends, répondis-je, qu’il croit la partie perdue encore bien plus que nous.

— Mon Dieu, si le Roi voulait, pourtant, il y a encore de grandes ressources.

— Oui, mais, hélas ! il ne voudra pas.

— Mais qu’arrivera-t-il alors ?

— Qui peut le prévoir ? beaucoup de malheurs sans doute !

— Et pensez donc s’il y a une guerre civile ! et monsieur le duc de Chartres qui sert dans l’armée ! que fera-t-il ? C’est à tourner la tête ! »

Notre causerie se prolongea. Madame la duchesse d’Orléans ne rentrait pas ; l’heure avançait. Je chargeai