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EXPÉDITION DE LA DUCHESSE DE BERRY

En s’éloignant, pour prendre un peu de repos, les chefs avaient distribué des gardiens dans toute la maison. Deux gendarmes, postés dans une petite pièce dont la lucarne ouvrait sur le toit et souffrant d’un froid très vif, s’avisèrent d’une cheminée placée dans l’encoignure.

La chambre était remplie de vieux journaux et surtout d’une énorme liasse de numéros de la Mode, mauvaise publication protégée et payée par madame la duchesse de Berry. Ils pensèrent à les utiliser en s’en chauffant, les empilèrent dans la cheminée et y mirent le feu.

Peu de minutes après, tandis qu’accroupis devant le foyer ils dégelaient leurs doigts, ils crurent entendre un bruit insolite derrière la plaque. Bientôt, on y frappa à coups redoublés. Ils appelèrent leurs officiers ; on se hâta de retirer les papiers enflammés, et la plaque, cédant aux efforts mutuels des assiégeants et des assiégés, tourna sur ses gonds.

« Cessez vos recherches, je suis la duchesse de Berry, » dit une femme en sortant sans assistance de la cheminée, et en s’asseyant très calmement sur une chaise, tandis qu’on s’empressait à aider une seconde femme et deux hommes à se retirer, presque étouffés, de leur retraite brûlante.

C’étaient une demoiselle de Kersabiec (vendéenne passionnée qui, depuis quatre mois, s’était mise à la suite de la princesse), le comte de Mesnard et monsieur Guibourg, l’avocat, qui prenait le titre de chancelier de la Régente.

Un agent de police, accourant en toute hâte, voulut verbaliser, au sujet de madame la duchesse de Berry. Elle ne lui répondit qu’en disant : « Faites venir le général qui commande ; je ne parlerai qu’à lui. »