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EXPÉDITION DE LA DUCHESSE DE BERRY

elle lui raconta avoir reçu avis qu’elle était trahie, vendue par une personne en qui elle avait entière confiance.

« Par vous, peut-être, mon cher Deutz,… je plaisante… ne vous défendez pas… mais, en me rappelant vos efforts pour m’engager à partir avant-hier, malgré les bonnes nouvelles dont vous êtes porteur, j’ai pensé que vous aussi pouviez avoir des motifs pour partager ces craintes… savez-vous quelque chose ? »

Deutz avait tressailli jusqu’au fond de son lâche cœur. Il balbutia quelques paroles, abrégea la conférence, se précipita dans la rue, dit à l’agent de police : « Je la quitte ; elle est dans la maison ; vous la trouverez à table », raconta brièvement au préfet la conférence dont il sortait, désigna le lieu où l’on trouverait les papiers, courut à son auberge, se jeta dans une voiture toute attelée et revint à Paris, sans attendre pour savoir le résultat de sa trahison.

Il fallut se mettre à sa recherche pour lui en donner le salaire pécuniaire. Il ne l’avait ni stipulé ni réclamé, mais il l’accepta. Tout cela paraît étrange et n’en est pas moins exact.

« Le vrai peut quelquefois n’être pas vraisemblable. »

La confiance en Deutz, n’était pas assez bien établie pour que le préfet eût négligé les précautions. L’ordre avait été donné de le suivre et de cerner d’un peu loin la maison où il entrerait, de façon à ce que nul ne s’en pût évader. Tout était donc prêt. À peine trois minutes s’écoulèrent entre sa sortie et l’entrée de la force armée.

L’aspect de l’appartement, lorsqu’on y pénétra, confirma la véracité du rapport de Deutz ; on y trouva les traces du séjour actuel de madame la duchesse de Berry.