Page:Mémoires de la comtesse de Boigne Tome IV 1922.djvu/17

Cette page a été validée par deux contributeurs.
12
MÉMOIRES DE MADAME DE BOIGNE

parc ; je n’avais rien d’assez intéressant à lui dire pour l’y suivre.

Je trouvai Mademoiselle chez elle, désolée des ordonnances, très inquiète de l’effervescence populaire dont je lui parlai, et fort impatientée surtout de la crainte que le nom de son frère fût compromis. Elle me dit ces propres paroles : « Sans ces deux cérémonies de la messe du Saint-Esprit et de l’ouverture des Chambres où il nous fallait assister et la misérable attrape qu’on nous a faite, nous serions partis samedi pour Eu et en dehors de toute cette bagarre. Quand j’y pense, je suis prête à m’en arracher les cheveux. »

Si son intention était de me mystifier, elle y a parfaitement réussi ; car, encore à l’heure qu’il est, je suis persuadée de sa bonne foi. Elle admettait que les ordonnances devaient amener des catastrophes ; mais, comme tout le monde, elle prévoyait la résistance dans une classe qui ne la proclame pas à coups de pierres ; Le refus de l’impôt, l’impossibilité de gouverner contre une opposition générale, manifestée par tous les moyens légaux, lui semblait le danger de la situation où le Roi venait de s’engager. Nous en causâmes longuement ; mais il ne fut point question du remède que Neuilly pouvait éventuellement fournir à une position devenue si critique.

De chez Mademoiselle, je passai chez madame de Montjoie. Je la trouvai aussi fort agitée, fort inquiète et désespérée qu’on ne fût pas à Eu. Cela me parut tout à fait l’impression de la maison.

Je m’avançai davantage avec elle, et nous parlâmes des chances possibles que tant de fautes pouvaient amener. Elle me répéta ce qu’elle m’avait mille fois dit : Monsieur le duc d’Orléans était le plus fidèle sujet du Roi en France, mais il ne le suivrait plus à l’étranger.