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MÉMOIRES DE MADAME DE BOIGNE

pairs, il était impossible ; les pairs se récuseraient ou acquitteraient, tout d’une voix.

Le gouvernement, et monsieur Thiers en était convenu la veille encore, n’avait pas cette ressource ; ce serait amener une nouvelle perturbation dans l’État.

Nous en revenions constamment à nous lamenter que madame la duchesse de Berry s’obstinât dans un séjour si dangereux pour elle et si parfaitement inutile à sa cause, puisque sa présence n’avait pu en six mois soulever la Vendée.

« Si elle savait sa position, dis-je enfin, elle partirait sans doute ; mais, hélas ! il est trop tard, si elle doit être arrêtée demain.

— Ces choses-là, reprit monsieur Pasquier, ne se font pas si facilement qu’on croit. Elle est sûrement entourée de beaucoup de précautions, et le juif pourrait bien ne pas réussir ; mais elle est traquée de façon à ne pouvoir échapper, dès qu’on a décidé de la saisir, et le parti en est évidemment résolu. »

Que faire pour conjurer le danger ? La Reine ne pouvait être d’aucun secours ; nous n’y songeâmes même pas. Il nous était trop évident que son crédit était épuisé et ses efforts infructueux, puisque les choses en étaient arrivées là.

J’ai su depuis que le nouveau cabinet avait exigé de monsieur le duc d’Orléans, comme condition à le laisser aller au siège d’Anvers, qu’il obtiendrait de la Reine sa mère de ne se plus mêler des affaires de madame la duchesse de Berry, établissant que c’était une question d’État où les relations de famille ne devaient pas exercer d’influence, que la sécurité du pays en dépendait et que d’ailleurs, tant que Marie-Caroline serait en Vendée, lui ne se pourrait éloigner de Paris. La passion du jeune prince pour les armes avait stimulé son zèle et arraché