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MÉMOIRES DE MADAME DE BOIGNE

« On ne la tuera pas.

— Et si elle se tue elle-même, plutôt que de se laisser prendre ? »

Il garda le silence ; nous le crûmes un peu ébranlé. Monsieur Pasquier revint à la charge, appuyant sur toutes les chances que la témérité connue de madame la duchesse de Berry pouvait faire redouter, au moment de l’arrestation, et sur les embarras que sa détention entraînerait.

« Si vous pouviez lui faire connaître à quel point elle est en votre pouvoir, ajouta-t-il, et la décider à une évasion que vous faciliteriez, cela me semblerait de toute façon préférable.

— Vous ne voyez pas, comme moi, la disposition des députés ! Vous comprendriez mieux l’impossibilité de suivre cette voie. Ils veulent l’arrestation de la duchesse de Berry et non sa retraite. Cela est nécessaire pour donner de la force au gouvernement et laver le Roi de la complicité dont on l’accuse.

— Mon Dieu, repris-je, la complicité du Roi avec madame la duchesse de Berry est trop absurde pour qu’on y croie.

— Rien n’est trop absurde pour ces gens-là !

— Et c’est à un pareil monde que vous allez faire de telles concessions ! Je reconnais madame la duchesse de Berry moins redoutable à Blaye que sur les bancs d’une cour d’assises, mais elle le sera encore beaucoup plus qu’en Vendée. Croyez-le, monsieur Thiers, elle vous y suscitera bien plus d’ennemis et chaque jour elle y grandira. Vous vous faites illusion de penser que tout sera fini par son arrestation. Les larmes royales se lavent par le sang, et le sang royal par les calamités publiques. »

Monsieur Thiers se prit à sourire :

« Je ne vous ai jamais vu si animée, répondit-il ; mais permettez-moi de vous dire que, si mes députés de pro-