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EXPÉDITION DE LA DUCHESSE DE BERRY

qu’il allait prévenir madame la duchesse de Berry que le coup était manqué.

Le bruit s’est beaucoup répandu alors qu’elle s’était très rapprochée de Paris et y était même entrée. Je n’ai là-dessus aucune notion positive ; mais je sais pertinemment que deux dames, la comtesse de Chastellux et la princesse Théodore de Bauffremont, l’engageaient à y venir et promettaient de l’y tenir cachée, jusqu’au jour prochain du triomphe.

Ces illusions étaient aussi sincères que la passion dont elles émanaient ; mais Paris ne la partageait pas : il avait soif de tranquillité et sentait une peur effroyable à voir renouveler des dangers dont il se croyait à l’abri ; aussi l’ordonnance de l’état de siège, publiée le 6 juin, fut-elle accueillie comme un bienfait.

Si l’on osait se permettre de rire, en matière aussi grave, on le pourrait en se rappelant l’air de jubilation avec lequel on se répétait les uns aux autres : « L’état de siège est déclaré… Nous sommes en état de siège. »

Il semblait une panacée à tous les maux. On s’embrassait dans les rues ; on se confirmait mutuellement une si bonne nouvelle ; les boutiques, y puisant la joie et la sécurité, se rouvraient avec confiance.

L’incurie du cabinet, la gaucherie de quelques membres de la Cour de cassation, le mauvais vouloir de quelques autres, ont dépouillé le pouvoir d’une arme utile, lorsqu’elle est purement défensive ; mais ce n’est assurément pas pour répondre au mouvement de l’opinion publique à cet instant, car, la dernière fois qu’on en a fait usage, elle a été accueillie aux acclamations d’une satisfaction générale.

On se rappelle qu’un comité carliste, composé du maréchal Victor, du chancelier Pastoret, de messieurs de Chateaubriand, de Fitzjames, Hyde de Neuville et