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MÉMOIRES DE MADAME DE BOIGNE

Nantes et de lui laisser temps d’organiser le mouvement. Elle y consentit à grand’peine et, malgré les avis de son entourage immédiat, elle se retira dans les environs.

Les traditions vendéennes furent évoquées pour établir sa sûreté personnelle. D’ailleurs, à cette époque, je le répète, on la croyait fugitive, cherchant à s’échapper et on n’avait aucun désir de l’arrêter.

J’en ai eu plusieurs preuves et une, entre autres, où j’ai été témoin et même un peu acteur. Je ne sais si, pour mieux assurer la marche de la princesse, son parti avait dirigé du côté de Nice des individus destinés à donner le change sur la véritable route suivie par elle ; mais, lorsque son absence du Carlo Alberto fut constatée, et cela demanda quelques jours malgré le service du télégraphe, le bruit se répandit qu’elle avait repassé le Var.

Le gouvernement y crut, aussi bien que la plèbe du parti légitimiste. Je me souviens que la comtesse d’Hautefort, très zélée, mais peu initiée dans les secrets, me raconta alors je ne sais quelle belle parole à la Henri IV prononcée par Madame en passant le Var à gué. Ce même jour, elle se plaignait naïvement à moi de l’horrible perfidie avec laquelle le gouvernement, non content d’avoir fait échouer la tentative de la rue des Prouvaires en achetant le secret de la conspiration, avait encore eu l’infamie d’employer des émissaires à faire hâter d’un mois l’arrivée de madame la duchesse de Berry, de sorte que les préparatifs nécessaires au succès n’étaient pas complètement achevés.

La colère de madame d’Hautefort nous faisait trop d’honneur. L’expédition sur Marseille avait été un peu avancée, mais ce n’était pas par l’habileté du gouvernement français, c’était parce que le parti lui-même avait conçu l’espoir de se donner pour auxiliaires l’effroi, la