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EXPÉDITION DE LA DUCHESSE DE BERRY

abandonnait les malades. Ils les soignèrent eux-mêmes, calmèrent les imaginations frappées et allèrent jusqu’à ensevelir les morts de leurs propres mains ; car partout l’aspect hideux des cadavres a inspiré la même terreur. Les personnes appelées à en voir m’ont assuré qu’elle était bien justifiée.

Je reviens à mon sujet dont je me suis moins écartée qu’il ne semble d’abord, car l’espoir de profiter de la perturbation que le choléra avait dû mettre, dans le pays et dans le gouvernement décida madame la duchesse de Berry à hâter son entreprise.

Le parti la préparait pour la fin de la session, en agitant la Vendée et suscitant des manifestations qui, forçant à des répressions, excitaient les esprits.

Je me rappelle, à cette occasion, une scène assez curieuse où je me trouvai assister. Madame Récamier, réduite à s’éloigner de l’Abbaye-aux-Bois, ravagée par le choléra, avait trouvé refuge chez une madame Salvage (dont le dévouement à la piteuse fortune de Louis Bonaparte est devenu une sorte de petite célébrité). J’allais l’y voir souvent.

Un jour, je trouvai la conversation fort animée, chose rare à cette époque de deuil général.

Le Moniteur du matin, ce doit être vers le milieu d’avril, avait publié une lettre, adressée à madame la duchesse de Berry, trouvée au château de La Charlière en Vendée, où l’on établissait qu’une tentative légitimiste serait intempestive et funeste, que les fidèles devaient employer leurs soins à fomenter la division et le mécontentement, chercher partout à accroître la misère des ouvriers, la souffrance du commerce, et se tenir en mesure de profiter des circonstances favorables, si, par exemple, la Prusse et la Hollande marchaient sur la Belgique. Alors serait le moment pour Madame de faire une descente