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UNE SEMAINE DE JUILLET 1830

dans son improvisation du bout de la table et dont l’éloquence, en le charmant, avait commencé à l’adoucir, entre autres l’expression de chasser à coup de fourche.

Dans toute cette longue conversation, qui dura jusqu’à la nuit bien close, j’affirme que pas un mot sur monsieur le duc de Bordeaux ne fut prononcé. J’en entendis parler pour la première fois en rentrant chez moi le soir. Je sais bien qu’à présent tout le monde y a constamment pensé, que tout le monde l’a toujours désiré et voulu ; mais je puis bien assurer que c’était in petto.

L’idée de l’abdication du Roi, et surtout celle de monsieur le Dauphin, ne venait pas au commun des mortels. Quant à moi, je l’avoue de bonne foi, il a fallu me la suggérer ; et encore m’a-t-elle paru bien improbable à voir réaliser. J’ai pourtant la certitude que des tentatives, pour amener à ce but, ont été faites dans cette journée du dimanche. Elles avaient commencé la veille, et ont continué le lendemain. Elles ont trouvé bien plus de résistance à Trianon et à Rambouillet qu’au Palais-Royal.

Je crois savoir, d’une façon positive, que le Lieutenant général, tout en repoussant la responsabilité de l’initiative de la demande, consentait à recevoir l’enfant tout seul. Sa femme l’aurait accueilli avec transport, et lui promettait des soins maternels ; mais la réponse faite à Rambouillet avait été dure jusqu’à l’insulte.

Au reste, cette transaction, n’ayant pas été dans le moment même à ma connaissance personnelle, ne rentre pas dans ce que j’ai vu et entendu, et je ne prétends pas raconter autre chose.

Je ferais un gros volume si je parlais de tout ce que j’ai appris depuis, même avec certitude, sur les détails de ces journées.