Page:Mémoires de la comtesse de Boigne Tome IV 1922.djvu/101

Cette page a été validée par deux contributeurs.
96
MÉMOIRES DE MADAME DE BOIGNE

« Voyez comme elle-même en a l’instinct ! Qui a-t-elle choisi pour ses chefs lorsqu’elle a été livrée à elle-même ?… des écoliers… des enfants ! Mais des enfants pleins de talents, de verve, d’entraînement, susceptibles d’embraser les imaginations, parce qu’ils sont eux-mêmes sous l’influence de l’enthousiasme !…

« Tout au plus, faudrait-il quelque vieux nautonier pour leur signaler les écueils, non dans l’intention de les arrêter, mais pour stimuler leur audace. »

Le plan de son gouvernement se trouvait suffisamment expliqué par ces paroles. Monsieur de Chateaubriand le dirigeant avec des élèves des écoles et des rédacteurs de journaux pour séides, tel était l’idéal qu’il s’était formé, pour le bonheur et la gloire de la France, dans les rêveries de son mécontentement.

Cependant, il fallait en finir et sortir de l’épique où nous étions tombés. Je lui demandai s’il n’avait aucune réponse pour le Palais-Royal où j’irais le lendemain matin.

Il me dit que non ; sa place était fixée par ses précédents. Ayant depuis longtemps prévu les circonstances actuelles, il avait imprimé d’avance sa profession de foi. Il avait personnellement beaucoup de respect pour la famille d’Orléans. Il appréciait tous les embarras de sa position que, malheureusement, elle ne saurait pas rendre belle, parce qu’elle ne la comprendrait pas et ne voudrait pas l’accepter suffisamment révolutionnaire.

Je le quittai évidemment fort radouci ; et il y a loin du discours qu’il m’avait lu, avec ces deux têtes à la main, à celui qu’il prononça à la Chambre et dans lequel il offrirait une couronne à monsieur le duc d’Orléans s’il en avait une à donner.

J’y retrouvai, en revanche, quelques-uns des sarcasmes amers contre les vaincus qu’il avait fait entrer