Page:Mémoires de la comtesse de Boigne Tome II 1921.djvu/96

Cette page a été validée par deux contributeurs.
91
RÉPONSE DE POZZO À BERNADOTTE

royal de Suède en 1813. Quoique par là je revienne sur mes pas, je veux rappeler cette circonstance.

Pendant la campagne de Saxe, Pozzo et sir Charles Stewart avaient été envoyés en qualité de commissaires russe et anglais à l’armée suédoise. Les Alliés craignaient toujours un retour de Bernadotte en faveur de l’Empereur Napoléon. Il se décida enfin à entrer en ligne et prit part à la bataille de Leipsig ; la déroute de l’armée française fut complète. Aussitôt l’esprit gascon de Bernadotte se mit à battre les buissons et à rêver le trône de France pour lui-même. Il entama une conversation avec Pozzo sur ce sujet : n’osant pas l’aborder de front, il débuta par une longue théorie dont le résultat arrivait à prouver que le trône devait appartenir au plus digne et la France choisir son roi.

« Je vous remercie, monseigneur, s’écria Pozzo.

— Pourquoi, général ?

— Parce que ce sera moi !

— Vous ?

— Sans doute ; je me crois le plus digne. Et comment me prouvera-t-on le contraire ? En me tuant ? D’autres se présenteront… Laissez-nous tranquilles avec votre plus digne ! Le plus digne d’un trône est, pour la paix du monde, celui qui y a le plus de droits. »

Bernadotte n’osa pas pousser plus loin la conversation mais ne l’a jamais pardonnée à Pozzo.

Sous une autre forme, celui-ci donna la même leçon à son impérial maître en 1815. En apprenant la victoire de Waterloo, l’empereur Alexandre enjoignit au général Pozzo, qui se trouvait auprès du duc de Wellington, de s’opposer à la marche de l’armée et de chercher à gagner du temps afin que les anglais n’entrassent pas en France avant que les armées austro-russe et prussienne se trou-