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CHAPITRE vii


Madame de La Bédoyère. — Son courage. — Son désespoir. — Sa résignation. — La comtesse de Krüdener. — Elle me fait une singulière réception. — Récit de son arrivée à Heidelberg. — Son influence sur l’empereur Alexandre. — Elle l’exerce en faveur de monsieur de La Bédoyère. — Saillie de monsieur de Sabran. — Pacte de la Sainte-Alliance. — Soumission de Benjamin Constant à madame de Krüdener. — Son amour pour madame Récamier. — Sa conduite au 20 mars. — Sa lettre au roi Louis XVIII.

Comme pour me faire mieux sentir l’horreur du cruel sentiment que j’avais éprouvé au sujet de monsieur de La Bédoyère, je trouvai Paris encore tout ému de ses derniers moments.

Lorsqu’en 1791, le comte et la comtesse de Chastellux avaient suivi madame Victoire à Rome, deux de leurs cinq enfants (Henri et Georgine) étaient restés en France où leur grand’mère les avait élevés dans la retraite absolue d’un petit château de Normandie. À sa mort, Georgine alla rejoindre, en Italie, ses parents qui bientôt revinrent à Paris. Elle ne put jamais vaincre l’extrême timidité née de la solitude où elle avait vécu jusqu’à dix-huit ans. Elle y avait connu Charles de La Bédoyère ; les terres de leurs mères se trouvaient situées dans le même canton. La petite voisine inspira dès l’enfance une affection qu’elle partagea. Elle devint très jolie et monsieur de La Bédoyère très amoureux. Henry de Chastellux, dont il avait été le camarade de collège, encouragea ce sentiment. Les La Bédoyère, dans l’espoir de fixer leur fils,