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LE MARÉCHAL BRUNE À TOULON

de les arrêter. Ils parvinrent jusque dans le cabinet où le maréchal était occupé à écrire. Surpris d’abord, il se remit immédiatement, tendit la main à monsieur de Rivière qu’il connaissait, et lui dit :

« Je vous remercie de cette preuve de confiance, monsieur le marquis, elle ne sera pas trompée. »

Les nouveaux arrivés lui montrèrent la déclaration des Alliés, lui apprirent qu’un corps austro-sarde s’avançait du côté de Nice et qu’une flotte anglaise se dirigeait sur Toulon. Dans l’impossibilité de le défendre d’une manière efficace, puisque toute la France était envahie et le Roi déjà à Paris, le maréchal, en s’obstinant à conserver ses couleurs, coûterait à son pays l’immense matériel de terre et de mer contenu dans la place ; les Alliés n’épargneraient rien ; ils se hâtaient pour arriver avant qu’il eût reconnu le gouvernement du Roi. Ces messieurs, se fiant à son patriotisme éclairé, étaient venus lui raconter la situation telle qu’elle était et lui juraient sur l’honneur l’exactitude des faits.

Le maréchal lut attentivement les pièces qui les confirmaient, puis il ajouta :

« Effectivement, messieurs, il n’y a pas un moment à perdre. Je réponds de la garnison ; je ne sais pas ce que je pourrai obtenir de la ville. En tout cas, nous y périrons ensemble, mais je ne serai pas complice d’une vaine obstination qui livrerait le port aux spoliations des anglais. »

Il s’occupa aussitôt de réunir les officiers des troupes, les autorités de la ville et les meneurs les plus influents du parti bonapartiste. Il les chapitra si bien que, peu d’heures après, la cocarde blanche était reprise et le vieux Lardenoy reconnu commandant.

Le marquis de Rivière était homme à apprécier la loyauté du maréchal et à en être fort touché. Il l’engagea