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MÉMOIRES DE MADAME DE BOIGNE

très pressé, j’attendrai tranquillement une bonne occasion ; qu’allez-vous faire de votre jeune homme ? »

Mon père réfléchit un moment, puis il pensa que, s’il le faisait arrêter, ce serait trop grave. Il l’envoya chercher à son auberge, lui intima l’ordre de partir sur-le-champ, en le prévenant que, s’il laissait au gouvernement sarde le temps d’apprendre la manière dont il avait franchi la frontière, il serait arrêté comme espion, et qu’il ne pourrait pas le réclamer.

L’officier eut l’imprudence de dire qu’il lui faudrait s’arrêter à Turin où il avait des lettres à remettre. Mon père lui conseilla de les brûler et lui donna un passeport qui indiquait une route qui l’éloignait de Turin. Je n’ai plus entendu parler de ce monsieur qui eut l’audace, après cette explication, de réclamer de mon père les cinquante louis que le général Marchand, dans sa lettre ostensible, l’avait prié de lui remettre pour les frais de son voyage. Bubna garda le secret suffisamment longtemps pour assurer la sécurité du courrier. Elle aurait été fort hasardée en ce moment ; car les velléités pacifiques du cabinet sarde n’existaient pas alors, et ses terreurs sur les dispositions bonapartistes des piémontais étaient en revanche très exaltées.

La déclaration du 13 mars fut expédiée à mon père par monsieur de Talleyrand, aussitôt qu’elle eut été signée par les souverains réunis à Vienne. Il la fit imprimer en toute hâte, et, trois heures après son arrivée, mon frère se mit en route pour la porter à monsieur le duc d’Angoulême. Il le trouva à Nîmes. La rapidité avait été si grande qu’elle nuisit presque à l’effet et fit douter de l’authenticité de la pièce. Monsieur le duc d’Angoulême garda mon frère auprès de lui, le nomma son aide de camp, et bientôt après l’envoya en Espagne pour demander des secours qu’il n’obtint pas. Au sur-