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MÉMOIRES DE MADAME DE BOIGNE

à monsieur de Talleyrand, une autre à Paris, et fit partir un secrétaire de légation pour porter cette nouvelle à Masséna, et, chemin faisant, prévenir toutes les autorités de la côte. Cette précaution fut déjouée par la célérité de l’Empereur. Peu d’heures après son départ de Gênes, monsieur de Château traversait le bivouac de Cannes déjà abandonné, quoique les feux brûlassent encore. Nous avions passé la nuit à copier les lettres et les dépêches qui furent confiées à ces différents courriers ; il n’y avait qu’une partie de la chancellerie à Gênes où on ne s’attendait pas à de telles affaires.

L’émoi fut grand le lendemain matin. On ne doutait pas que l’Empereur ne dût débarquer sur quelque point de l’Italie et se joindre aux troupes de Murat qui armait depuis quelque temps. Les autrichiens n’étaient pas en mesure de s’y opposer, et le général Bubna, fort inquiet, reprochait aux piémontais l’empressement qu’ils avaient eu de faire abandonner leur territoire par les allemands avant d’avoir eu le temps de créer une armée nationale. Le comte de Valese, de son côté, prétendait que, les frais de l’occupation absorbant tous les revenus de l’État, on ne pouvait rien instituer tant qu’elle durait.

Lord William Bentinck arriva à tire d’aile. Chacun se regardait, s’inquiétait, s’agitait ; on s’accusait mutuellement, mais l’incertitude du lieu où débarquerait l’Empereur ne permettait de prendre aucun parti, ni de donner aucun ordre. Le général Bubna fut le premier instruit de sa marche ; dès lors, autrichiens, anglais et piémontais, tout se rassura et crut avoir du temps devant soi.

Bubna demanda à faire entrer ses troupes en Piémont. Monsieur de Valese s’y refusant obstinément, il fut réduit à les faire cantonner sur les frontières de Lombardie ; aussi déclara-t-il formellement que, si l’armée napolitaine