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MÉMOIRES DE MADAME DE BOIGNE

mes fournées dont Decazes a donné le premier exemple. La liste de 1815, quoique très nombreuse, porte un caractère tout à fait différent. Il s’agissait de fonder l’institution et non pas de forcer une majorité.

Les nominations de 1819 eurent lieu à l’occasion d’une proposition faite par monsieur de Barthélemy pour la révision de la loi d’élection, loi dont M. Decazes lui-même demanda le rappel peu de mois après. Je ne me suis jamais expliqué comment on était parvenu à obtenir de monsieur de Barthélemy d’attacher le grelot.

Lorsqu’il s’aperçut, à la fin, de tout le bruit qu’il faisait, il pensa en tomber à la renverse. La même chose lui était arrivée lorsque, presque à son insu, il s’était trouvé directeur de la République. La chute avait été plus rude à cette occasion puisqu’elle l’avait envoyé sur les plages insalubres de la Guyane.

Je l’ai beaucoup connu et je n’ai jamais compris ces deux circonstances de sa vie. C’était le plus honnête homme du monde, le plus probe. Il avait de l’esprit et des connaissances, une conversation facile et quelquefois piquante ; mais il était timide, méticuleux, circonspect. Il avait toujours l’inquiétude de déplaire et surtout le besoin de se mettre à la remorque et de se cacher derrière les autres. Jamais homme n’a été moins propre à jouer un rôle ostensible et n’a eu moins d’ambition. Loin de tirer importance d’avoir été un cinquième de roi, il était importuné qu’on s’en souvînt.

Lorsque ce qu’on appela la proposition Barthélemy fit une si terrible explosion dans la Chambre et dans le public, il en fut consterné. Je l’ai vu épouvanté de faire tout ce vacarme au point d’en tomber sérieusement malade. Au reste, ce sont de ces événements dont on s’occupe fort pour un moment et qui laissent moins de trace dans le souvenir qu’ils n’en méritent peut-être, car sou-