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MÉMOIRES DE MADAME DE BOIGNE

on hausse les épaules et vous êtes proclamé maladroit d’autant plus facilement que, le secret étant la première loi du métier, vous ne pouvez rien apporter pour votre justification.

J’ai vu la carrière diplomatique sous son plus bel aspect, puisque mon père, occupant la première ambassade, y a joui de la confiance entière de son cabinet et d’une grande faveur près de celui de Londres, et pourtant je la proclame, je le répète, une des moins agréables à suivre.

Je comprends qu’un homme politique, dans les convenances duquel une absence peut se trouver entrer momentanément, aille passer quelques mois avec un caractère diplomatique dans une Cour étrangère.

Rien n’est plus mauvais pour les affaires du pays que de pareils ambassadeurs qui s’occupent de toute autre chose ; mais j’admets l’agrément de cette espèce d’exil. Il ne faut pas toutefois s’y résigner trop longtemps, car aucun genre d’absence n’enlève plus promptement et plus complètement la clientèle.

Nous avons vu monsieur de Serre, le premier orateur de la Chambre, ne pouvoir être renommé député après avoir été deux ans ambassadeur à Naples et en mourir de chagrin. Certainement, s’il avait passé ces deux années à la campagne chez lui, dans une retraite absolue, son élection n’aurait pas été contestée et sa carrière d’homme politique serait restée bien plus entière.

Je parle ici pour les hommes à ambition politique, car ceux qui ne veulent que des places et des appointements ont évidemment avantage à préférer l’ambassade à la retraite ; mais aussi, s’ils prolongent leur absence, ils reviennent, au bout de leur carrière, achever dans leur patrie une vie dépourvue de tout intérêt, étrangers à leur famille, isolés de tout intimité et ne s’étant formé