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MÉMOIRES DE MADAME DE BOIGNE

monsieur Comte, et y porter des façons bien différentes.

Je me suis laissé raconter que rien n’était plus obligeant que la reine Marie-Antoinette. Madame avait repoussé cet héritage, peut-être avec intention, car la mémoire de sa mère lui était peu chère. Toutes ses adorations étaient pour son père, et, avec ses vertus, elle avait pris ses formes peu gracieuses.

Il y eut vers ce temps une révolution bien frappante des sentiments de Madame. Monsieur Decazes retrouva dans les papiers de je ne sais quel terroriste de 1793 le testament autographe de la reine Marie-Antoinette qui, assurément, fait le plus grand honneur à sa mémoire. Il le porta au Roi qui lui dit de l’offrir à Madame. Elle le lui remit quelques heures après, avec la phrase la plus froide possible, sur ce qu’en effet elle reconnaissait l’écriture et l’authenticité de la pièce.

Monsieur Decazes en fit faire des fac-similés et en envoya un paquet à Madame ; elle n’en distribua pas un seul, et témoigna plutôt de l’humeur dans toute cette occurrence. Toutefois ce testament a été gravé dans la chapelle expiatoire de la rue d’Anjou qui se construisait sous son patronage.

Si Madame était sévère à la mémoire de sa mère, elle était passionnément dévouée à celle de son père et cette corde de son âme vibrait toujours jusqu’à l’exaltation.

Comme je sortais du bal du duc de Wellington, je me trouvai auprès du duc et de la duchesse de Damas-Crux, ultras forcenés, qui, comme moi, attendaient leur voiture. Édouard de Fitz-James passa ; je lui donnai une poignée de main, puis monsieur Decazes, encore une poignée de main, puis Jules de Polignac, nouvelle poignée de main, puis Pozzo, encore plus amicale poignée de main.