Page:Mémoires de la comtesse de Boigne Tome II 1921.djvu/293

Cette page a été validée par deux contributeurs.
288
MÉMOIRES DE MADAME DE BOIGNE

coupe nouvelle qui lui paraissait élégante. Au reste, il faut reconnaître qu’il disait la messe plus gracieusement qu’aucune autre personne et pourtant très convenablement.

Ces ambitions futiles n’arrêtaient pas les autres. Il devint promptement archevêque et cardinal ; je crois qu’au fond c’était là le secret véritable de sa vocation. Les carrières civiles et militaires se trouvaient encombrées ; il se croyait de la capacité, avec raison jusqu’à un certain point, et s’était jeté dans celle de l’Église. Mais j’anticipe ; revenons au printemps de 1818.

J’avais laissé monsieur de Talleyrand honni au pavillon de Marsan ; je le retrouvai dans la plus haute faveur de Monsieur et de son monde. Elle éclata surtout aux yeux du public à un bal donné par le duc de Wellington où les princes assistèrent.

Je me le rappelais l’année précédente dans cette même salle, se traînant derrière les banquettes pour arriver jusqu’à la duchesse de Courlande ; elle lui avait réservé une place à ses côtés où personne ne vint le troubler. Monsieur le duc d’Angoulême, seul de tous les princes, lui adressa quelques mots en passant ; mais, cette fois, l’attitude était bien changée. Il traversait la foule qui s’écartait devant lui ; les poignées de main l’accueillaient et le conduisaient droit sur Monsieur ; monsieur le duc de Berry s’emparait de cette main si courtisée pour ne la céder qu’à Monsieur. Les entours étaient également empressés.

Je n’ai pas suivi le fil de cette intrigue dont le résultat se déployait avec tant d’affectation sous nos yeux. J’ai peine à croire que monsieur de Talleyrand eût flatté les vœux de Monsieur qui, à cette époque, désirait par-dessus tout le maintien de l’occupation.

Monsieur de Talleyrand était trop habile à tâter le