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UNE AVENTURE À NAPLES

très positivement un fait dont chacun tirera les conséquences qu’il lui plaira.

En 1813, Auguste de Chabot, alors chambellan de l’Empereur, d’une jolie figure, plein de talent, dessinant très bien, chantant à ravir, assez spirituel et surtout français arrivant de Paris, obtint à Naples de doux regards de la Reine, femme de Murat et régente en l’absence de son mari.

Une vive coquetterie s’établit entre eux. Des apartés, des promenades solitaires, des lettres, des portraits s’ensuivirent. La Reine avait la tête tournée et ne s’en cachait pas. Les choses allèrent si loin, quoique monsieur de Chabot professât dès lors les principes d’une certaine dévotion ostensible, qu’il reçut la clef d’une porte dérobée conduisant à l’appartement de la Reine. Le moment de l’entrevue fut fixé à la nuit suivante. Auguste s’y rendit.

Le lendemain matin, il reçut un passeport pour quitter Naples dans la journée. Un messager plus intime vint en même temps lui redemander l’élégante petite boîte qui contenait la clef.

Depuis ce jour, la Reine, qui en paraissait sans cesse occupée jusque-là, n’a plus prononcé son nom. Monsieur de Chabot n’a jamais pu comprendre le motif de cette disgrâce, car il se rendait la justice d’avoir été parfaitement respectueux.

Le portrait lui resta, et je l’ai vu entre les mains de la personne confidente de cette intrigue à laquelle il en fit don au moment où il entra dans les ordres.

Quoi qu’il en soit, son choix de l’état ecclésiastique ne l’empêcha pas de conserver toutes les habitudes du dandysme le plus outré ; ses recherches de toilette étaient sans nombre. Il entama avec la Cour de Rome une longue et vive négociation pour faire donner à la chasuble une