Page:Mémoires de la comtesse de Boigne Tome II 1921.djvu/291

Cette page a été validée par deux contributeurs.
286
MÉMOIRES DE MADAME DE BOIGNE

de l’enivrer d’orgueil. Il devint le véritable émule du marquis de Tuffières.

Il portait ses prétentions aristocratiques jusqu’à l’extravagance. Son château de la Roche-Guyon fut décoré de tous les emblèmes de la féodalité. Ses gens l’appelaient monseigneur. Il était toujours en habit de pair, et en avait fait adopter le collet et les parements brodés à une robe de chambre dans laquelle il donnait ses audiences le matin, rappelant ainsi feu le maréchal de Mouchy qui s’était fait faire un cordon bleu en tôle pour le porter dans son bain.

Aussi madame de Puisieux disait-elle, en voyant un portrait fort ressemblant du duc de Rohan :

« Oh ! c’est bien Auguste ; et puis voyez, ajoutait-elle en indiquant un écusson de ses armes peint dans le coin du tableau, voyez, voilà l’expression de sa physionomie. »

Le duc de Rohan vint étaler son importance en Angleterre dans l’espoir que son titre lui procurerait la main d’une riche héritière. Celle de ma belle-sœur avait été demandée par lui l’année précédente et, pour ennoblir cette alliance qui lui paraissait bien un peu indigne de lui, il s’était servi de l’intermédiaire du Roi. Cet auguste négociateur ayant échoué auprès de mademoiselle Destillières, le duc n’avait plus vu en France de parti assez riche pour aspirer à l’honneur de partager son nom et son rang.

Le voyage de spéculation matrimoniale en Angleterre étant resté également sans succès, il se décida à embrasser l’état ecclésiastique. Il s’entoura de jeunes prêtres et fit son séminaire dans les salons de la Roche-Guyon. Je ne sais comment cela put s’arranger, mais il est avec le ciel des accommodements.

Les mauvaises langues prétendaient que le célibat n’imposait pas trop de gêne à monsieur de Rohan. J’ai su