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LE PAPE ET MONSIEUR DE MARCELLUS

« N’est-ce pas qu’en Angleterre les personnes attachées au Roi votent selon leur conscience et ne sont nullement forcées de soutenir le ministère ?

— Je ne comprends pas bien.

— Mais, par exemple, si le grand chambellan trouve une loi mauvaise, il est libre de voter contre ?

— Assurément, très libre, chacun est complètement indépendant dans son vote. »

Madame de Duras triomphait.

« Mais, ajouta monsieur Canning, il enverrait sa démission avant de prendre ce parti ; sans cela on la lui demanderait tout de suite. »

Le triomphe fut un peu moins agréable. Toutefois, comme elle avait de l’esprit, elle se rabattit sur ce que notre éducation constitutionnelle n’était pas assez faite pour appeler cela de l’indépendance, et, ramenant la discussion à une thèse générale, tourna le terrain où elle s’était engagée si malencontreusement.

Le parti soi-disant royaliste était tombé dans une telle aberration d’idées que, lorsque monsieur de Marcellus, alors député, fut nommé de la commission pour examiner la loi qui devait accompagner le concordat et garantir les libertés de l’Église gallicane, il n’imagina rien de mieux que d’en référer au Pape en lui envoyant la copie du projet de loi et de tous les documents confiés à la commission.

Le Pape lui répondit qu’il fallait s’opposer à la promulgation de cette loi par tous les moyens possibles, l’autorisant même textuellement à employer en sûreté de conscience la ruse et l’astuce.

Monsieur de Marcellus, plus bon que méchant dans le fond, profita mal du conseil car il alla porter ce singulier bref au duc de Richelieu qui entra dans une fureur extrême. Il le menaça de le traduire devant les tribu-