Page:Mémoires de la comtesse de Boigne Tome II 1921.djvu/282

Cette page a été validée par deux contributeurs.
277
L’OPPOSITION

on me croit donc extravagant ! mais il faudrait être fou à lier ! Il n’est pas possible que qui que ce soit y ait cru sérieusement ; on s’est moqué de toi. »

Édouard lui témoigna grande satisfaction des dispositions où il se trouvait. Il vint en toute hâte me conter la sagesse de son prince. J’ai souvent repensé à cette conversation, sur laquelle je ne puis avoir aucun doute, lorsque plus tard Mathieu de Montmorency d’abord et Jules de Polignac ensuite ont été successivement ministres des affaires étrangères.

Monsieur avait-il changé d’opinion sur leur compte, ou bien trompait-il Édouard en 1818 ? Il peut y avoir de l’un et de l’autre.

Il est indubitable que, dès lors, Jules était dans sa plus intime confiance et jouait le rôle de ministre de la police du gouvernement occulte.

L’opposition au Roi avait gagné toute la Cour, et pour conserver un peu de tranquillité dans l’intérieur de sa famille, il n’osait pas en témoigner de ressentiment. La loi de recrutement déplaisait particulièrement à la noblesse. De tout temps, elle regardait l’armée comme son patrimoine. C’était bien à titre onéreux, il faut l’accorder, car elle l’avait exploitée, plus honorablement que lucrativement, pendant bien des siècles, mais elle tenait à en jouir exclusivement et ne voulait pas comprendre combien les temps étaient changés. Elle s’opposa donc au système d’avancement par l’ancienneté avec une extrême passion.

La loi fut emportée à la Chambre des députés ; on savait qu’elle ne parviendrait à passer à celle des pairs qu’à une faible majorité. Le Roi, n’osant pas se prononcer hautement, emmena à sa promenade accoutumée les pairs de service auprès de lui qui, tous, devaient voter contre son gouvernement.