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EXCELLENT PROPOS DE MONSIEUR

et apprécié, plus ce résultat peut arriver. Toutefois j’étais souffrante depuis fort longtemps et aurais peut-être été malade sans mon naufrage.

Je présentai ma belle-sœur le lendemain de mon arrivée. Je me rappelle particulièrement ce jour-là parce que c’est le seul mouvement patriotique que j’aie vu à Monsieur et que j’aime à lui en faire honneur. On conçoit qu’un naufrage est un argument trop commode pour que les princes ne l’exploitent pas à fond. J’avais fait ma cour à ses dépens chez le Roi, chez Madame, et même chez monsieur le duc d’Angoulême.

Arrivée chez Monsieur, après quelques questions préliminaires, il me dit d’un ton assez triste :

« C’était un paquebot français.

— Non, monseigneur, c’était un anglais.

— Oh ! que j’en suis aise ! »

Il se retourna à son service qui le suivait, et répéta aux dames qui m’environnaient : « Ce n’était pas un capitaine français » avec un air de satisfaction dont je lui sus un gré infini. S’il avait souvent exprimé de pareils sentiments, il aurait été bien autrement populaire.

Je précédai de peu de jours à Paris mon oncle, Édouard Dillon, qui y passait en se rendant de Dresde à sa nouvelle résidence de Florence. Il était de la maison de Monsieur, et, je crois l’avoir déjà dit, dans des habitudes de familiarité qui dataient de leur jeunesse à tous deux. Un matin, où il quittait Monsieur, il me raconta une conversation qui venait d’avoir lieu. Elle avait roulé sur l’inconvenance des propos tenus par l’opposition et plus encore par le parti ministériel sur le prince.

On cherchait, selon lui, à le déjouer parce qu’il était royaliste et avertissait le Roi des précipices où on entraînait la monarchie, etc. Édouard, qui se trouvait une des personnes les plus raisonnables pouvant l’approcher,