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LES LIBÉRAUX

la bonne conduite des royalistes aux élections. L’opposition n’eut pas tous les succès dont elle s’était flattée ; mais elle était redevenue fort menaçante.

Monsieur Benjamin Constant répondait au duc de Broglie qui, avec sa candeur accoutumée, quoique très avant dans l’opposition, faisait l’éloge du Roi et disait que, tout considéré, peut-être serait-il difficile d’en trouver un d’un caractère plus approprié aux besoins du pays :

« Je vous accorderai là-dessus tout ce que vous voudrez ; oui, Louis xviii est un monarque qui peut convenir à la France telle qu’elle est, mais ce n’est pas celui qu’il nous faut. Voyez-vous, messieurs, nous devons vouloir un roi qui règne par nous, un roi de notre façon qui tombe nécessairement si nous l’abandonnons et qui en ait la conscience. »

Le duc de Broglie lui tourna le dos, car lui ne voulait pas de révolution ; mais il était bien jeune. Il était et sera toujours trop honnête pour être chef de parti. Malheureusement, il y avait plus de gens dans sa société pour propager les doctrines de monsieur Constant que celles toutes spéculatives et d’améliorations progressives de monsieur de Broglie.

Ce fut vers cette époque, que monsieur de Chateaubriand, dans je ne sais quelle brochure, honora les hommes de la gauche du beau nom de libéraux. Ce parti réunissait trop de gens d’esprit pour qu’il n’appréciât pas immédiatement toute la valeur du présent ; il l’accepta avec empressement, et il a fort contribué à son succès.

Bien des personnes honorables, qui auraient répugné à se ranger d’un parti désigné sous le nom de jacobin, se jetèrent tête baissée, en sûreté de conscience, parmi les libéraux et y conspirèrent sans le moindre scrupule.