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MADAME DE GONTAUT

Berry ayant forcé à remplacer madame de Montsoreau, monsieur le duc de Berry demanda madame de Gontaut pour gouvernante de ses enfants. Ce choix ne laissa pas de surprendre tout le monde et de scandaliser les personnes qui avaient été témoins des jeunes années de madame de Gontaut, mais il faut se presser d’ajouter qu’elle l’a pleinement justifié.

L’éducation de Mademoiselle a été aussi parfaite qu’il a dépendu d’elle, et il aurait été bien heureux pour monsieur le duc de Bordeaux qu’elle eût été son unique instituteur.

Madame de Gontaut était depuis bien longtemps dans l’intimité de Monsieur et de son fils, cependant elle n’a jamais été ni exaltée ni intolérante en opinion politique. L’habitude de vivre presque exclusivement dans la société anglaise, un esprit sage et éclairé, l’avaient tenue à l’écart des préjugés de l’émigration. Sa grande faveur du moment auprès de monsieur le duc de Berry venait de ce qu’elle éloignait de sa jeune épouse les rapports indiscrets qui troublaient leur ménage.

Madame la duchesse de Berry était fort jalouse et, quoique le prince ne voulût rien céder de ses habitudes, il était trop bon homme dans le fond pour ne pas attacher un grand prix à rendre sa femme heureuse et à avoir la paix à la maison. Il savait un gré infini à madame de Gontaut, qui pendant un moment remplaça madame de La Ferronnàys comme dame d’atour, de chercher à y maintenir le calme.

Le prince de Castelcicala avait amorti les premières colères de madame la duchesse de Berry. Il racontait, avec ses gestes italiens et à faire mourir de rire, la conversation où, en réponse à ses plaintes et à ses fureurs, il lui avait assuré d’une façon si péremptoire que tous les hommes avaient des maîtresses, que leurs femmes le